Cet article est d’abord paru dans l’édition de décembre de BIV.
Des réponses à vos questions : Des courtiers discutent de la préparation financière et émotionnelle nécessaire pour conclure une entente
L’achat et la vente d’une entreprise impliquent à la fois les émotions et les finances; il faut surmonter toutes sortes de pièges et d’obstacles pour arriver à une entente. Dans le cadre de la Business Excellence Series (BES), nous avons convoqué des experts pour leur demander comment acheter et vendre de manière optimale.
La discussion réunissait David Harvey, qui s’occupe du droit des fusions et acquisitions pour la firme Richards Buell Sutton; Derek Strong, du cabinet de services financiers Roynat Capital; le courtier commercial Jason Brice de jasonbrice.com; et Arturo Kalb de Murphy Business Brokers. Ils ont été interrogés par l’éditeur et rédacteur en chef de BIV, Kirk LaPointe. Le balado en quatre parties de l’entrevue est accessible en ligne à biv.com/video. Ce qui suit est un extrait de la conversation, abrégée pour plus de clarté et de concision.
Quand on vient vous voir pour commencer à évaluer un achat, que vérifiez-vous d’abord?
David Harvey, de Richards Buell Sutton : Tout d’abord, il faut en discuter avec votre institution financière. Assurez-vous d’avoir le financement nécessaire à votre disposition, à moins que vous alliez chercher ce financement chez des investisseurs externes. Derek Strong, de Roynat Capital : Il faut avoir au moins 25 % de capitaux propres pour faire l’acquisition d’une entreprise. Habituellement, environ 40 % de la structure financière sont composés des capitaux propres et du financement du vendeur. Les 60 % restants sont l’emprunt. C’est ce que j’ai vu [comme] structure normale pour un acheteur externe. Arturo Kalb, de Murphy Business Brokers : Je pense qu’en règle générale, on s’entend sur 25 % à 30 % de [ce que] l’acquéreur est capable d’offrir.
Que devez-vous comprendre de ce que vous achetez?
Harvey : Il faut au minimum vérifier les états financiers et une liste des biens. Strong : Au cours des dernières années, j’ai vu plusieurs acheteurs se procurer des rapports sur la qualité des revenus. C’est un outil très utile à consulter en tant qu’acheteur, que vous pouvez montrer à votre banque ou votre prêteur. Brice : J’encourage les autres acquéreurs à s’assurer de bien comprendre le bilan. Souvent, ils vont se concentrer sur le montant qu’ils vont soumettre dans leur offre, alors que les bilans ont été réduits à néant.
Kalb : L’acheteur doit savoir ce qui est essentiel : le fonds de roulement dont il a besoin pour commencer l’exploitation de l’entreprise.
De qui doit-on s’entourer pour faire l’acquisition d’une entreprise?
Strong : D’abord, il vous faudra un avocat […] qui connaît bien le droit des fusions et acquisitions.
Comment aidez-vous les acheteurs à savoir quand se retirer de la transaction?
Brice : J’évite de conseiller aux gens de se retirer, mais il ne faut pas non plus amener quelqu’un au bord du gouffre.
Kalb : Il y a aussi des signaux d’alerte à remarquer. Par exemple, votre acheteur peut remarquer que les états financiers ne sont pas très solides. Ce que je veux dire, c’est que si ça ne marche pas, il doit y avoir une raison, n’est-ce pas?
Harvey : Une fois que les avocats et les conseillers sont impliqués, ils commencent à y mettre de l’argent; [ils] s’investissent dans la transaction et il devient difficile pour eux d’avoir un point de vue objectif et de prendre du recul. Cependant, c’est crucial pour l’acheteur.
Strong : Je pense que si vous êtes un acquéreur […] avant de trop vous impliquer, vous devriez écrire les 10 raisons principales pour lesquelles vous achetez l’entreprise. Et si le prix est l’une d’entre elles, et que ce prix commence à trop fluctuer, ça peut être une bonne raison de vous retirer. Vous devez rester sur votre position.
Quels conseils donnez-vous aux clients après la vente?
Harvey : La quantité de soutien est assez variable […] mais il est important que les acquéreurs s’affirment et assument la responsabilité de ce qu’ils achètent, pour éviter autant que possible d’avoir à se fier au vendeur après coup. Ils ne devraient faire appel au vendeur qu’en dernier recours, ou presque. Strong : Je crois que quand je recherche […] une entente bien structurée, je cherche une forme de financement du vendeur et une transaction faisant en sorte que le vendeur assume une partie des risques pour l’avenir. Je vérifie si la convention d’achat ou de vente [comprend] des choses comme des ententes de non-concurrence ou de gestion afin de continuer d’informer et de conseiller l’entreprise. Brice : Pendant les négociations, n’attendez pas que la vente soit conclue pour [demander] au vendeur de rester impliqué. La plupart de nos ententes prévoient deux ou trois mois où le vendeur reste à temps plein après la transaction.
Qu’est-ce qui vous surprend le plus dans les ententes?
Harvey : Quand les vendeurs ne sont pas prêts à vendre; et cela arrive parfois après la vente : ils réalisent qu’ils ne veulent pas vraiment s’en aller et qu’ils aimeraient plutôt revenir. [C’est] une autre raison importante d’inclure des clauses restrictives appropriées. Brice : Une des raisons qui peut aveugler un acquéreur peut être son [conjoint]. Il arrive que l’acheteur […] consacre un mois à la diligence raisonnable, les négociations sont terminées […] et ensuite, la personne qui partage sa vie lui dit qu’elle ne veut pas risquer tous leurs avoirs, ni qu’il soit parti sept jours par semaine, 12 heures par jour, ce qui est inévitable pour la première année de toute entreprise.
Kalb : Ce sont tous les aspects émotionnels. Ils peuvent changer d’idée, ou [exclure] des choses que l’acheteur pensait probablement comprises dans la vente.
Lors d’une vente, qu’est-ce qui aide à déterminer la manière de vendre?
Harvey : Je pense que la clé, du point de vue financier, c’est de parler à votre comptable régulièrement et de l’informer à l’avance lorsque vous pensez devoir vendre ou prendre du recul par rapport à l’entreprise.
Strong : Je dis souvent que le jour où on achète une entreprise, c’est le jour où on commence à penser à comment on va la vendre, car ça ne se fait pas du jour au lendemain. Maximisez la valeur de votre entreprise. Assurez-vous que la structure organisationnelle est adéquate, que la planification fiscale est bien faite, que vous gérez votre entreprise comme telle et non comme un compte bancaire personnel, et que vous séparez vos dépenses personnelles et professionnelles.
Brice : Le vendeur doit [réaliser] que son entreprise ne vaut peut-être pas autant que ce qu’il pensait. Nous disons souvent : « Vous vous demandez ce que vaut votre entreprise? Demandez au vendeur et coupez ce montant de moitié. »
Kalb : Ou bien d’autres vendeurs diront : « Il me faut tel montant pour prendre ma retraite », mais l’acheteur n’en a que faire.
C’est aussi un défi psychologique, n’est-ce pas?
Strong : Tout à fait. Pour plusieurs, leur entreprise est leur bébé qu’ils ont vu naître 25 ou 30 ans plus tôt. C’est leur projet de vie, et honnêtement, celui de leur famille aussi. C’est leur raison d’exister. C’est pourquoi ce n’est pas une décision à prendre seul. Il faut en discuter avec son conjoint et les enfants, parce que cela peut avoir une grande incidence sur l’avenir de toute la famille.
Brice : Plusieurs de mes clients sont septuagénaires. Ils ont lancé leur entreprise 40 ans plus tôt. C’est comme leur bébé. Je dis parfois que je suis préposé aux adoptions plutôt que courtier.
Comment arrivez-vous à guider quelqu’un dans ce long processus?
Kalb : Au début, il faut faire appel à notre jugement. Cette personne est-elle prête à s’asseoir et à décider de vendre?
À quel moment pouvez-vous affirmer que la personne fait les choses correctement pour pouvoir continuer?
Strong : Je dirais que pour quitter l’entreprise de façon bien préparée, ça prend entre trois et cinq ans en tout […]. Je demande toujours aux gens lorsqu’ils vendent : « Combien de jours par semaine travaillez-vous dans votre entreprise? Combien de semaines par année? » S’ils sont toujours en train d’y travailler, peut-être qu’ils ne sont pas vraiment prêts à vendre.
Le propriétaire a-t-il l’obligation légale d’informer son équipe de direction du processus?
Harvey : Si vous avez une entreprise complexe avec une équipe de direction, il faut informer ses membres de ce qui se passe, parce qu’ils devront s’impliquer dans la transition. Habituellement, il faudra d’abord vous assurer d’avoir un contrat ferme avant de vous rendre là.
Strong : Je pense qu’avoir le bon conseiller en fusions et acquisitions et le bon conseiller juridique est vraiment important pour ce processus. Brice : [Si] c’est une plus petite entreprise […] parfois, les acquéreurs n’ont pas besoin de parler à ces employés. Mais si c’est une plus grande entreprise […] souvent, les réunions ont lieu après les heures d’ouverture pour ne pas interférer, et on n’amène les potentiels acheteurs que lorsque le processus est bien avancé.
Kalb : C’est une question d’équilibre, n’est-ce pas? Le vendeur ne veut pas [révéler] les acquéreurs potentiels aux employés avant que le tout soit bien entamé, parce que l’entente peut tourner au vinaigre ou l’acheteur peut décider de se retirer.
Quelles sont les surprises les plus communes dans le processus de vente d’une entreprise?
Kalb : Quand l’acquéreur n’a pas obtenu assez d’argent. L’acheteur parfait propose un prix qui convient au vendeur, puis, à la toute fin, révèle qu’il n’a pas les fonds.
Brice : Une des plus grandes surprises, c’est à quel point l’évaluation de l’entreprise peut changer. Par exemple, le revenu peut être stable pendant trois ans. Je montre l’évaluation le 1er janvier, pour un million de dollars […] et soudainement, l’entreprise ne vaut que 70 % de ce montant. Strong : Quand quelqu’un vend son entreprise et n’encaisse rien à la fin. •